mardi 14 février 2012

Carnaval


Franchement, je me sens super bien intégrée dans ce pays. Je parle couramment la langue, j'ai des amis allemands, je me suis faite à la bouffe, je participe à plein d'événements/traditions qui n'existent pas en France... mais s'il y a bien un truc auquel je n'arrive pas à me faire, c'est cette période de Carnaval. Fasching que ça s'appelle ici. Je veux bien que ça soit une tradition, sans doute religieuse à l'origine même, mais qui j'en ai l'impression a fortement été détournée. Pour beaucoup, c'est seulement un bon prétexte pour picoler jusqu'à l'inconscience, pour draguer/sauter sur tout ce qui bouge (avec petit souvenir à la clé 9 mois après, vous n'avez pas idée du nombre de bébés conçus à cette période) et pour propager une fausse bonne humeur sous prétexte qu'ils sont tous ridiculement déguisés. Bon ça c'est une question de goût hein, je n'ai jamais été fana de déguisements (un traumatisme de mon enfance où j'ai traversé toute la ville à pieds pour me rendre à un anniversaire déguisée en schtroumpf parce que mon paternel avait laissé libre cours à son imagination avec ce qu'il y avait dans mon armoire), mais franchement, au-delà de 8 ans ce n'est plus mignon ni rigolo, si? Le pire c'est le tapage dans les médias. Après une semaine où il n'est question que de ça à la télé ou dans les journaux, ça suffat comme ci. Le truc le plus saôulant, ce sont les émissions où des pseudo-comiques sortent des blagues pas drôles (niveau pipi-caca-prout) ponctuées par un jingle musical énervant au possible (tintinnn tintinnnn tintinnnnnnnnnnn!) et où le plouquos lambda du public (déguisé en pirate ou en indien) se tape sur les cuisses devant tant de finesse en trinquant avec le voisin qu'en temps normal il mépriserait de toute son indifférence. Vous me direz, j'ai qu'à pas les regarder ces émissions, mais y'en a sur toutes les chaînes, et puis en ce moment c'est ça ou le curling. Le pire, c'est quand le carnaval s'immisce au boulot. Jeudi prochain par exemple, c'est ce qu'ils appellent ici le "jeudi sale" ou encore le "carnaval des femmes". Le grand jeu, c'est que les femmes se baladent avec des ciseaux et coupent les cravates des mâles qui en portent ce jour-là, et en contrepartie ils réclament un palo bisou. C'est sensé être un symbole de l'émancipation de la femme. Gné? Ou alors c'est genre "si je te coupe la cravate, ça veut dire que je pourrais te couper aussi autre chose"? (je sais pas hein, j'essaye d'interpréter!). Les années passées, le quatrième collègue qui s'est pointé devant moi en me disant "ben tu me la coupes pas ma cravate, j'en ai pourtant mis une moche exprès aujourd'hui!", je ne lui ai même pas souri, je l'ai regardé d'un air lassé et je lui ai dit "va voir chez les collègues, moi je suis française je fête pas ce genre de choses". Carrément associale la fille. Carrément pas intégrée. Le seul avantage de cette période? Les beignets gras au possible saupoudrés de sucre qui pourraient constituer ma nourriture exclusive tellement je les aime... allez, avec quelques exemplaires de ces bombes caloriques chez moi peut-être même que je jouerai le jeu et déguiserai mes enfants pour la crèche. En pirate ou en indien.

jeudi 2 février 2012

Tifs

J’ai une relation d’amour-haine avec ma tignasse. De 0 à 20 ans, j’ai toujours eu la même coiffure, des cheveux longs dont les pointes étaient rafraîchies plus ou moins régulièrement par Môman et une frange qui retombait plus ou moins esthétiquement sur mon front. Avant de quitter le nid familial à la conquête du grand Nord (enfin, le Nord de la France, c’est déjà pas si mal), ça a été symbolique, j’ai voulu aller pour la première fois chez le coiffeur. Forcément, la première fois ça impressionne, la coiffeuse te demande ce que tu veux, comme tu sais pas quoi répondre tu lances un timide « oh, un peu dans le même genre que vous », et là la professionnelle se lâche et te fait tout un discours plein de mots barbares tels « permanente » ou « effilage » en te tripotant les tifs, pour finalement aboutir à la conclusion que non, tes cheveux ils sont trop fins, que du volume ça vaut même pas le coup de chercher à en avoir, qu’on va juste raccourcir en gardant la même coupe (quelle coupe ?) et que ça sera bien comme ça. Alors bon, tu acceptes, elle coupe, elle brushingue, tu payes cher et le lendemain, tu te retrouves quand même avec la même tête et la même frange qui t’accompagne depuis de si longues années, juste un peu plus court. Du coup tu relaisses pousser… entre temps tu as rencontré un Mec qui te répète que tu es la plus beeeeeeelle du monde, mais un jour quand même il avance prudemment un « je suis sûre qu’une autre coiffure plus courte ça t’irait bien ». Alors tu lui répètes ce que t’a dit ta première et dernière coiffeuse, cheveux trop fins, pas de volume, blablabla. Chéri fait une mine dubitative et n’en reparle plus mais mine de rien, il a réveillé la greluche qui sommeille en toi et qui ne demande qu’à changer de tête.
Premier boulot, premiers brouzoufs et la grande décision : une deuxième visite chez le coiffeur ! La maison ne reculant devant aucun sacrifice, tu prends rendez-vous chez « Tony &Guy », un salon branché où la musique est plus forte qu’en boîte. Tu annonces courageusement vouloir couper ces trucs qui tombent tristement sur tes épaules sans aucune énergie, mais le coiffeur te contre en te disant que tu as une tête à cheveux longs, qu’on va juste faire un léger dégradé sur les côtés qui va tout changer et que ça sera bien comme ça. La frange disparaît presque complètement, tu as des dégradés sur les côtés mais chaque matin tu t’énerves quand même sur ces trucs raplaplas qui t’allongent le visage que tu n’as déjà pas particulièrement poupin… du coup un mois après tu reprends rendez-vous et là tu décrètes « faites ce que vous voulez mais pitié, coupez-moi ces p… de cheveux ! ». Devant tant d’autorité, il s’exécute, se lâche, fait voler ses ciseaux autour de ta tête, tu vois les mèches tomber par terre (là quand même tu te demandes si t’as pas fait une bêtise) et quand tu te regardes dans la glace à la fin tu vois une étrangère. Avantages : tes cheveux ne sont plus longs et semblent plus en forme. Inconvénients : tu mets autant de temps qu’avant le matin à les coiffer pour essayer de faire la même chose que le pro et le Mec n’est pas super emballé. Mouais. S’en suit de longues années d’expériences diverses et variées : tu veux la même coiffure que Meg Ryan dans n’importe lequel de ses films mais tu comprends vite que c’est pas possible. Alors tu testes : mi-longs, on coupe, on re-re-coupe, on re-re-re-coupe… non là vraiment c’est trop court, faut re-laisser pousser. La couleur ? Pourquoi pas ? Mèches blondes presque naturelles, mèches très blondes, mèches platine... mèches rousses, mèches noires, mèches oranges (ça, c’était pas une réussite). Et l’homme de la maison qui commence à dire que finalement, les cheveux longs et la frange, c’était pas si mal…
Puis pendant 2 ans, j’avais enfin trouvé la coiffeuse avec qui je pouvais discuter, qui me proposait des trucs pas trop foldingues, qui m’avait trouvé la longueur qui me va pas trop mal, qui savait exactement à quoi devait ressembler ma frange asymétrique, et qui faisait dire au Mec à chaque retour de chez elle « très bien la coiffure chérie ! ». Et puis un jour cette perle rare m’a annoncé qu’elle repartait vivre dans sa région d’origine à l’autre bout de l’Allemagne. Un monde s’est écroulé. Ses remplaçantes ont fait plus ou moins bien leur job, d'autres mieux que d'autres... il y eu aussi "Mademoiselle On": c'est celle qui a réussi à me refiler des soi-disants super produits pour que mon cuir chevelu soit au top (je suis faible) et qui avait une façon bizarre de me parler… dans ce salon y’a que des jeunes, c’est branché, c’est in, c’est hype, bref tout le monde se tutoie, clients et coiffeuses. Sauf qu’elle, comme elle était nouvelle elle avait pas encore tout à fait pris le pli, ou alors elle osait pas tutoyer quand sa clientèle dépassait les 15 ans. Du coup elle employait le « on » à tire-larigot. « on veut quelque chose à lire? » « on a remarqué que son cuir chevelu était pas en forme? » « on vient de quel pays, parce que j’ai remarqué qu’on a un accent » « on veut quelque chose à boire? ». Franchement ça surprend au début, je me suis surprise à regarder autour de moi voir si "on" était plusieurs. Dans un premier temps, je n’ai pas réagi, mais comme elle n’arrêtait pas, j’ai commencé à lui répondre de la même façon, « on veut bien un jus de pomme et un truc à lire, merci », ça a dû la vexer et elle a continué ses affaires dans un silence religieux. Ouf. Car s’il y a bien un truc que je déteste, c’est les small-talks des salons de coiffure, alors si en plus c’est pour me parler à la troisième personne, non merci. À la place je lisais les malheurs des stars dans le "Point de vue" allemand. Je ne sais pas quel est le pire...
Puis Mademoiselle On s'est mariée et a suivi son mari encore une fois dans un autre coin de Teutonie. Une nouvelle s'est occupée de mes cheveux, bien mais sans plus. Depuis quelques mois, je me fais coiffer par le même coiffeur que le Mec, un kurde d'origine dont je n'ai pas réussi à me décider s'il est homo ou pas, mais qui est tout ce que j'aime: s'il n'a pas envie de parler ou qu'il remarque que moi je n'ai pas envie, on se tait. Il me fait des propositions originales mais pas trop quand je lui dis que je voudrais changer de coupe. Il ne prend pas 5 clients à la fois ce qui fait que je passe plus de 3 heures dans le salon quand je fais faire des mêches. Il m'a fait une coupe qui a fait dire à ma mère "elle est vraiment super ta coiffure". Quand on connaît le nombre de compliments que ma mère m'a faits depuis 37 ans que je suis sur terre, ce n'est pas rien. Bref, j'ai ma nouvelle perle rare, et j'espère qu'il va rester jusqu'à sa retraite dans ce salon!
Sur ce, je vous laisse, j'ai un rendez-vous chez le coiffeur à prendre, mon carré plongeant a besoin d'une deuxième jeunesse...